vassilis economidis
, Belgique
yo pinto
Ce qui différencie l´artiste de l´homme commun n´est en aucun cas, même si ainsi on le croit, le talent. C´est l´insolence. L´art n´ est pas dans la manière, encore moins dans le style. Il est dans la disposition. Est artiste quiconque réussit à transgresser l´ordre établi. « L´art est l´adversaire mortel de la liberté », dit Lennep. « D´où la nécessité de restaurer des contraintes, d´élever des obstacles salutaires, de débusquer toute objection au soi-disant appétit de liberté qui anime/ qui exténue) l´homme moderne. Quand il ne trouve pas ses contraintes au-dehors, l´artiste les cherche à l´intérieur de soi. » Néanmoins, il s´agit d´un labyrinthe, d´un voyage de l´âme à travers les ténèbres, à la recherche de la lumière. Cette recherche procède de la créativité, car tout savoir humain procède de l´art. Toute habilité procède de la capacité artistique de l´être humain, c´est à dire, d´être actif en sa créativité. Le processus de création, dépendant de chaque individu, nécessite un alibi, un motif, une raison, un fil conducteur, un fil d´Ariane. Les sources d´inspiration son infinies, tout dépend de la prédisposition de chacun face au monde. Mon père, homme du monde, à chaque fois qu´il retourne d´un de ses voyages, a comme coutume de m´ apporter un livre dans lequel il m´écrit une réflexion, un texte ou une petite dédicace à la première page. En ce jour fatidique du 11 septembre, il se trouvait très près des évènements qui marquerons un avant et un après pour le monde entier. Par chance, il est revenu, sain et sauf. Dans la première page du livre qu´il m´a amené cette fois là, j´y ai lu des mots qui témoignaient de l´extrême fragilité de la vie, de l´être humain dans ce monde. La lettre terminait passant par un souvenir personnel l´emmenant à d´autres temps, près de Tennessee Williams, à qui lui a demandé : « quel est le devoir d´un écrivain en ces temps difficiles ? » ; et Tennessee lui a répondu : « Ecrire. » En concluant la page, mon père m´écrit : « accomplis ce que tu t´es promis d’accomplir, tel es ton devoir face à l´effroi de notre existence. » Moi, je peins. Mon œuvre se constitue par deux regards parallèles, matérialisés en plusieurs séries apparemment indépendantes, mais qui perçues jointes, forment deux entités complémentaires. La première offre un regard subjectif au-dehors, de caractère sociologique, inspiré par l´observation et la constatation du déclin de notre entourage social et environnemental. L´immédiateté de la photographie, le poids matériel de la peinture y le contraste imprimé de la gravure, reflètent la cruauté du paysage actuel. Sans pour autant se laisser tomber dans le catastrophisme, rehaussant sa grandeur dramatique, sa magnificence et sa beauté, portant ainsi le spectateur à la confrontation de ses propres sentiments, devant la tragédie des faits et la jouissance esthétique de l´œuvre. La deuxième entité, tourne son regard vers l´intérieur. Il s´agit ici, d´un espace personnel, privé mais néanmoins non dépourvu d´une certaine distanciation. Dans mon esprit résonnent les mots de Samuel Becket dans « détritus » : « je vous conterai une histoire, cela ne sera pas moi… » Dans cet espace, l´œuvre tend à une poétique visuelle. Ici la « poésie » extrait son sens de sa racine étymologique du verbe grec « o »[pio], qui signifie « faire ». Le thème principal dès lors est « la praxis », l´action en soi, la nécessité de la création artistique. L´artiste dans son atelier. A la recherche de l´acte créateur, une de mes références est le Théâtre et ses conditions et les écrits de penseurs, directeurs ou dramaturges, comme Peter Brook, Antonin Artaud, Samuel Beckett, Julian Beck, etc. Leurs enseignements s´avèrent également valables pour l´acteur comme pour quelconque artiste á l´heure de la création. L´atelier d´un peintre se convertit, de ce mode, en une scène, où le peintre en acteur et directeur de son œuvre, créant ainsi son propre univers. En lui, le temps et l´espace obéissent à d´autres lois en lesquelles ce qui importe le plus, détenant la plus grande valeur en soi, est la propre création, la poésie, l´art, comme véhicule pour l´exploration et l´étude de soi-même, tendant vers l´espérance de son salut.